
La thèse sur les dépérissements devant le jury
Après 3 ans de travaux de recherche et expérimentation, la thèse sur les dépérissements en verger de kiwi de Marianne AVIGNON, a été soutenue devant le jury ce vendredi 11 avril. Nous félicitons chaleureusement Marianne pour l’obtention de son grade de Docteur en Agronomie et la remercions pour le travail accompli durant ces 3 années.
Contexte
À la suite d’excès d’eau dans des vergers du Sud-Ouest entre 2019 et 2020 (inondations, pluviométries extrêmes), les dépérissements de kiwi ont fait leur apparition en France. Ce phénomène n’est pas inconnu : apparu d’abord en Nouvelle-Zélande à la fin des années 1980, où les premiers symptômes ont vu le jour après le passage du cyclone Bola, il a ensuite fait son apparition en Europe, plus précisément en Italie en 2012 avant d’être observé en France il y a 6 ans.
Aujourd’hui, les dépérissements ont causé la perte de 5% des surfaces des vergers français et représentent un enjeu économique important pour les producteurs qui sont les premiers à subir des pertes malgré leurs efforts.
Le but de cette thèse est de comprendre les mécanismes des dépérissements en vergers de kiwi et de rechercher des solutions de remédiation adaptées au contexte français. Pour cela, cette thèse a été divisée en trois axes : un état des lieux en premier temps, la mise en place d’essais de remédiation et, finalement, l’utilisation de la télédétection.
L’état des lieux
L’ensemble de la bibliographie démontre que les dépérissements résultent de causes abiotiques, centrées sur l’asphyxie racinaire. Les causes de cette anoxie racinaire sont essentiellement liées à l’excès d’eau (à la suite de précipitations importantes ou l’irrigation gravitaire par exemple), aux températures excessives du sol ou à la compaction du sol. Les bioagresseurs sont présents autant sur des systèmes racinaires sains que malades, démontrant un caractère opportuniste accentuant le dépérissement mais n’en étant pas la cause.
Les effets du dérèglement climatique jouent ainsi un rôle important dans le dépérissement des vergers de kiwi avec l’apparition d’évènements climatiques extrêmes (excès de pluviométrie, pluviométries intenses sur des périodes atypiques, hausse des crues centennales…). On observe également des gels printaniers plus nombreux, des vagues de chaleur plus importantes en été et moins d’heures de froid, sans que cela ne soit démontré sur les dépérissements, mais avec un impact certain sur la physiologie du kiwi.
En parallèle à cette étude bibliographique, une enquête a été menée auprès d’une cinquantaine de producteurs situés dans la vallée de l’Adour et de la Garonne. L’enquête a révélé que les dépérissements étaient plus importants dans des parcelles qui ont été inondées au moins 3 fois et où les sols sont considérés comme tassés par les producteurs. Les recherches se sont alors orientées sur des essais de remédiation intervenant sur la structure du sol.
Les essais de remédiation
A partir des analyses précédentes, la question suivante s’est posée : en limitant le stress hydrique lié au tassement du sol et aux excès d’eau, est-il possible de limiter le dépérissement ?
Deux hypothèses ont été établies :
Hypothèse 1 : Les propriétés physiques et biologiques des sols sont améliorées par l’apport de matières organiques, le travail du sol ou l’introduction de couverts végétaux. Les interactions entre ces leviers d’action optimisent leur efficacité par effet de synergie.
Hypothèse 2 : L’amélioration de la structure du sol conduit à une amélioration de la santé de l’arbre.
Pour répondre à cette question, plusieurs leviers d’actions ont été mis en place, seuls ou combinés :
- Une introduction de couverts végétaux
- Un apport de compost de déchets verts (100 t/ha)
- Le décompactage du sol à 40cm de profondeur à 1m des arbres
Pour évaluer l’efficacité de ces leviers, des mesures sur la qualité physique du sol ont été effectuées, telles que la masse volumique, la résistance à la pénétration, la capacité de rétention, la densité par tomographie et la teneur en eau.
Les recherches ont mené à la conclusion suivante : il est possible de modifier les propriétés physiques et biologiques du sol en 2 ans, mais dans ce laps de temps nous n’avons pas observé d’amélioration de l’état des arbres. Il est possible que les leviers d’action n’aient pas été suffisamment efficaces ou qu’ils aient été mis en place trop tard par rapport à l’état du verger. Il est également possible que la climatologie ait été trop défavorable pour permettre une rémission des vergers.
La télédétection pour suivre l’évolution des dépérissements
Dans le but d’aider à visualiser les résultats et objectiver les données, Marianne a eu recours à la télédétection par images satellites, moins précise qu’avec un drone mais permettant d’avoir un temps de retour direct. Ainsi, la notation de l’état de vigueur de chaque plant de kiwi a été réalisé sur une trentaine de parcelles (plus de 14 000 arbres) en vue de comparer ces notations à l’imagerie satellite (images Sentinel-2A et Sentinel-2B).
La télédétection permet ainsi une observation objective du dépérissement dans l’espace et dans le temps. Cela est d’autant plus vrai quand il se trouve sous forme de patch sur la parcelle. En revanche, lorsque les arbres malades ou morts sont distribués de manière aléatoire la résolution des images Sentinel-2 n’est pas assez fine pour capter ce signal. La présence d’enherbement ou de filets paragrêle n’impacte pas l’analyse des images satellites.
Il est ainsi démontré que les dépérissements de kiwi peuvent ainsi être suivis dans le temps et dans l’espace : la télédétection pourrait être un outil essentiel pour visualiser l’évolution des dépérissements ou pour revenir à ses causes.
Des solutions en vue
Les dépérissements de kiwi peuvent s’illustrer à travers la spirale de Manion, qui distingue :
- Les facteurs prédisposants : faible tolérance du kiwi à l’anoxie du sol, faible variabilité génétique, tassement du sol, drainage insuffisant…
- Les facteurs déclenchants : accidents climatiques tels que les inondations, les précipitations abondantes ou gels tardifs, manque de froid, irrigation au ressenti, déséquilibre entre la canopée et le système racinaire…
- Les facteurs aggravants : pathogènes opportunistes
- Pour aboutir à la mort de l’arbre
Afin de réduire ces facteurs favorisant les dépérissements en vergers de kiwi, des solutions sont envisagées :
- culture sur butte
- porte-greffes moins sensibles à l’anoxie
- apport de compost
- décompaction du sol
- drainage des vergers
- irrigation de précision
- équilibre du système racinaire par rapport au système aérien
- outils d’aide à la décision (OAD)
Le BIK maintiendra ces recherches et expérimentations dans l’objectif de trouver des solutions agronomiques protégeant la culture de kiwi. Les essais en parcelles relatifs à la décompaction et l’apport de compost seront poursuivis pour encore 3 ans. Les essais de porte-greffes sont en développement avec l’ajout de nouveaux cultivars au sein de l’essai. D’autres axes de recherche tels que l’irrigation en vergers de kiwi sont également à l’étude pour l’amélioration de la production et la réduction des risques de stress hydrique.